Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Romain Delvit, palois de 39 ans, créateur de Maison Izard, marque pyrénéenne de vêtements et accessoires en laine des Pyrénées. Après une carrière dans le marketing, communication et vente à Strasbourg, j’ai décidé de revenir dans mon sud-ouest natal pour y élever mon fils et retrouver mes racines. Je me suis engagé en 2019 dans la revalorisation de la laine des Pyrénées, matière locale inutilisée et considérée comme un déchet, entouré de partenaires locaux, experts dans leur domaine et labellisés pour beaucoup EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant), gage de savoir-faire de qualité.
On veut en savoir encore plus sur vous : 3 choses que vous kiffez et 3 choses que vous détestez au quotidien :
- 3 choses que je déteste : le greenwashing (vaste sujet), l’hypocrisie et le pamplemousse.
Quelle est l’histoire de votre marque et pourquoi avoir choisi comme nom Maison Izard ?
Maison Izard est une jeune marque locale, née en 2017, mais qui n’en reste pas moins pleine d'ambition :
- La 1ère est de valoriser une matière première naturelle, locale et vertueuse, destinée à la destruction : la laine des Pyrénées. Cette démarche s'inscrit à long terme, relancer une filière laine disparue, dans les Pyrénées.
- La 2ème est de fonctionner uniquement avec des partenaires locaux avec un savoir-faire d'excellence. Le défi était de taille ! Nous sommes heureux de réaliser la totalité de notre confection entre Pau et Castres, soit dans un rayon de 250 km.
- La 3ème, dépoussiérer les codes du vêtement pyrénéen, et oui, nous avons tous en tête la fameuse robe de chambre qui gratte ou le gilet sans manche en peau retournée. Nous proposons un vestiaire homme et femme, avec des coupes intemporelles, à avoir et surtout à garder dans le temps, peu importe votre âge. Nous mélangeons nos fils exclusivement avec des matières recyclées, pour apporter plus de douceur, et un meilleur maintien du produit à travers les lavages et les années.
Le nom de la marque nous est apparu comme une évidence : nous voulions associer l’image haut de gamme du savoir-faire à la française à travers le terme « maison », qui s’apparente beaucoup aux maisons de couture, et qui représente l’authenticité, l’héritage, la qualité et le savoir-faire. Nous l’avons associé à l’un des animaux emblématiques des Pyrénées : l’isard ou izard, pour mettre l’accent sur notre ADN pyrénéen et notre attachement à ce territoire d’exception.
Qu'est-ce qui vous a incité à créer votre propre marque de vêtements ?
Pour être honnête, avant Maison Izard, je n’avais aucune connaissance dans le milieu du textile et de la laine, mais j’étais animé par une volonté forte de promouvoir ma région, et d’œuvrer pour un projet qui a du sens : la valorisation de la laine des Pyrénées.
Et pour valoriser la laine, quoi de mieux que des vêtements et accessoires ? En effet, nous avons tous en tête le pull en laine tricoté par nos grands-parents et qui résiste aux rouages du temps. Parti de ce constat, j’ai souhaité créer des produits authentiques, intemporels et durables, mais aussi, avec une pointe de modernité.
Comment et pourquoi êtes-vous tombé dans le made in France ?
Je n’envisageais pas de valoriser cette laine locale d’exception sans travailler avec des ateliers locaux, au savoir-faire d’excellence, qui ont su se moderniser tout en gardant leur savoir-faire originel. C’est pour cela que je me suis naturellement tourné vers des ateliers proches des Pyrénées, situés entre Pau et le Tarn. Ces ateliers labellisés France Terre Textile ou Entreprise du Patrimoine Vivant occupent une place de choix dans le succès de Maison Izard.
À quoi ressemble la vie d'entrepreneur dans la mode responsable made in France ? Quels défis avez-vous dû relever ?
Elle n’est pas de tout repos, mais passionnante ! Le secteur de la mode est en transition, et il est de plus en plus difficile de se faire une place, encore plus quand on se place sur le segment milieu/haut de gamme. Entre la fast-fashion, qui continue encore à séduire de nombreux consommateurs, la situation économique en France et en Europe, et un marché qui tend à se resserrer, les enjeux sont multiples. Il y a encore un grand travail de pédagogie à avoir auprès des consommateurs : transparence, présentation des artisans sans lesquels nous ne serions rien pour développer la consommation raisonnée. J’insiste sur le côté pédagogique parce que je ne crois pas aux discours trop moralisateurs, même empreints de bonnes attentions. Pour l’exemple du prix du made in France par exemple, je pense qu’il faut expliquer le pourquoi, en toute transparence, et surtout expliquer la différence entre un pull acheté dans une grande enseigne de fast-fashion, et un acheté chez une marque française valorisant le savoir-faire français sur le territoire.
Quant aux défis, ils sont innombrables ! Comme tous les acteurs du made in France, nous avons été très durement touchés par la hausse du coût des matières premières et de l’énergie. Ajoutez à cela, une situation économique extrêmement tendue, des ateliers qui arrivent à saturation de leurs capacités de production, et l’arrêt d’une collaboration importante avec l’un de nos partenaires historiques, vous obtenez une somme de défis auxquels nous avons dû nous adapter et qui ont rythmé notre quotidien !
Quelque chose que tout le monde devrait savoir sur la laine des Pyrénées ?
L’utilisation de la laine des Pyrénées est très ancienne. Elle avait même permis, au 19ème siècle, au développement d’une filière laine locale, créatrice de nombreux emplois et permettant la fabrication d’étoffes de grande qualité. C’était une laine recherchée qui était même exportée dans le monde.
Malheureusement, l’arrivée des fibres synthétiques et la concurrence des laines étrangères ont fait tomber en désuétude son utilisation et son industrie locale.
Aujourd’hui, la laine des Pyrénées est considérée comme un « sous-produit », elle n’est plus valorisée par les éleveurs et est, dans le meilleur des cas, stockée en attendant des jours meilleurs, et dans les pires, jetée voire brûlée.
Ça va être difficile, dites-nous, quelle est votre pièce préférée dans le dressing Maison Izard ?
La nouvelle surchemise Heretat Toison pour son design, son confort et sa composition en laine française of course !
Pourquoi avoir choisi de distribuer votre marque Maison Izard à L'Appartement Français ?
Dans notre stratégie de distribution, les boutiques ont une place centrale dans le succès de Maison Izard. Pour cela, nous nous concentrons uniquement sur des boutiques ou concept stores proposant uniquement des produits fabriqués en France, à l’identité très forte, et connaissant parfaitement le made in France, ses enjeux et problématiques. Chez L’Appartement Français, nous nous sommes directement bien sentis avec David et Emilie, une amitié est née. L’atmosphère de la boutique, les conseils avisés, le portefeuille de marques, tout nous a semblé adapté pour que nos vêtements et accessoires trouvent une place.
Avez-vous une anecdote croustillante et drôle à partager avec nous ?
"Comment faites-vous pour attraper les isards et les tondre pour faire vos pulls ?" ! Nos pulls sont composés de laine de moutons. L’isard est le cousin pyrénéen du chamois, donc nous le laissons tranquille, en liberté dans son habitat, les versants pyrénéens.
Interview retranscrite par Lucie